L’annniversaire de la salade
Devant le marchand de légumes réfléchir
au menu du dîner devient un bonheur
Manger avec toi pour trois cent yens
d’anguille de mer et je comprends que ces sushis
ont la saveur même du bonheur
Les souvenirs c’est comme une macédoine
de légumes…Mais attention
à ne pas les décongeler
Ces fèves éparpillées comme notes de musique
dissipent mon chagrin
dans la cuisine
Le pain que je fais cuire avec ma mère odeur
qui embaume le plein jour du plein été
je le referme dans mon souvenir
Tawara MACHI
l’annniversaire de la salade – Editions Philippe Piquier
Comment pouvais-je imaginer ce coup de coeur devant un livre de poésie – japonaise – contemporaine. J’avais déjà été touchée par les haïkus anciens, mais l’idée que les tankas (un genre encore plus ancien et sophistiqué de poésie japonaise), d’une jeune femme d’un vingtaine d’années, écrits à la fin des années 80, me parleraient comme aucune poésie ne l’avait fait à ce jour, était plus qu’improbable . Ces fulgurances d’instants, de pensés, d’émotions, des petits riens sur l’amour, la mer, la cuisine, la vie, me semblent miens..comme ils ont du le sembler 8 millions de lecteurs à travers le monde. Oui, 8 millions et pourtant si discret – en tout cas ici en France, qu’on ne peut aimer ce livre que pour ce qu’il est : «baguette magique que cette séquence 5-7-5-7-7 qui nous est parvenue en lignée ininterrompue depuis mille trois cent ans. Les mots, soumis à ce rythme fixe, se mettent à nager comme poissons dans l’eau, diffusant une lumière mystérieuse. C’est l’instant que j’aime», en dit l’auteur dans sa postface.